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Bouilleurs de cru

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Les métiers
Alambic 15.jpg
Alambic version 2012
Région Drapeau-breton.jpg Bretagne
Département Armoiries-35.jpg Ille-et-Vilaine
Commune Armoiries-mordelles.jpg Mordelles
Métier Bouilleur de cru
Période 1930 à nos jours
Références
Collection R. Birot, archives A.M. Nédellec, collection privée
Rédacteur(s) I.Birot




Les bouilleurs de cru
Info-01.jpg

La définition des bouilleurs de cru est fixée par le code général des impôts. Il s'agit des propriétaires, fermiers, métayers ou vignerons qui distillent ou font distiller des vins, cidres ou poirés, marcs, lies, cerises et prunelles provenant exclusivement de leur récolte.


Yvette et Jacky Saint-Ouen

Yvette et Jacky Saint-Ouen

Dans la campagne mordelaise, en 2012, sur un site communal exigu et totalement à l'écart des habitations, se dégage une odeur très particulière et indéfinissable provoquée par une machine qui peut paraître d'un autre temps.
Il s'agit d'un vieil alambic toujours en fonctionnement grâce à la passion d'un couple de retraités, Yvette et Jacky Saint-Ouen.
Jacky vit à Cintré et est propriétaire d'un alambic transmis par son père, il y a environ une quarantaine d'années. La distillation n'a toujours été pour lui qu'une activité annexe.
A la retraite en 2012, il pourrait arrêter mais avec lui, ce serait très vraisemblablement le métier de distillateur ambulant qui disparaîtrait à Mordelles et dans les communes environnantes.

Bien que la fabrication de l'eau-de-vie soit une tradition solidement ancrée dans nos campagnes, les différentes règlementations ont peu à peu calmé les ardeurs et les bouilleurs de cru [1] sont devenus plus rares.
En effet, sous l’ancien régime, le métier de bouilleur de cru était exercé librement. Ce droit a été ensuite aboli sous la révolution française, puis rétabli par Napoléon 1er qui a accordé un privilège d'exonération de taxes pour la distillation de 10 litres d'alcool pur ou de 20 litres d'alcool à 50%.
Ce privilège s'est transmis par héritage de générations en générations jusqu'en 1960, année de suppression de ce droit de cession. De ce fait, de nos jours, les bouilleurs de cru qui ne bénéficient pas du privilège, doivent payer une taxe à l'Etat dès le premier litre produit.

Alambic en 2012 Alambic 2012

Leur alambic

alambic détail

Comment fonctionne-t-il ?
Pendant la période de février à juillet, les fermiers apportent à Jacky leur cidre à distiller ainsi que du bois. Jacky verse le cidre dans la cuve de l'alambic chauffée avec ce bois. Après environ une petite heure, le cidre se met à bouillir et diffuse de la vapeur d'alcool qui circule à travers un tuyau appelé serpentin. Ce dernier, baigné dans un réfrigérant, permet sa condensation, puis sa liquéfaction. Seul l'alcool de bonne qualité est récupéré dans un récipient et le "mauvais" alcool est, quant à lui, recyclé et chauffé une seconde fois.
L'alcool ainsi produit est connu sous le nom de "goutte".


Les prédécesseurs de Jacky Saint-Ouen

La distillation d’alcool étant très réglementée, les bouilleurs ambulants ne pouvaient pas s’installer n’importe où [2]. A Mordelles, il existait deux emplacements dénommés « ateliers publics » : le premier était situé à l’angle de l'allée de la scierie [3] et de la rue du docteur Dordain et le second au lieu dit la Chapelle (près du porche du Pâtis).


alambic détail


La veille de la distillation, les producteurs souhaitant obtenir de la goutte devaient aller chercher un acquit attestant le paiement d’une taxe chez l’auxiliaire de l’administration fiscale assermenté, chargé de percevoir les impôts indirects [4].
A l'époque, c'étaient Monsieur Thomas, puis Madame Marie Launay qui encaissaient « les droits de régie » pour le compte du receveur des impôts.
Ci-dessous, un congé de circulation de cidre signé en février 1955 par Marie Launay autorisant Henri Chérel, fermier mordelais domicilié au lieu-dit Le Bignon, à livrer le contenu d'un fût de 12 hl de cidre dans les cafés rennais.

Congé de circulation de cidre signé en février 1955


Les vérifications étaient fréquentes et effectuées par des agents des impôts, surnommés "les rats de cave" car ils avaient le droit de descendre vérifier le contenu des caves des cabaretiers.
Le lendemain matin, les fermiers venaient apporter leur barrique de cidre ou de lie (dépôt du cidre) ainsi que le bois destiné au fonctionnement de la chaudière.
Cette dernière était d'ailleurs toujours installée près d’un puits, ayant besoin d'eau pour fonctionner.
En fin d’après midi, ils revenaient chercher leur eau-de-vie, munis d’un nouvel acquit leur donnant le droit de circuler en possession de goutte.

Les bouilleurs ambulants mordelais que nous avons recensés sont :
dans les années 30, Jean-Pierre Huet qui habitait aux Gérault et Constant Bigot qui logeait dans la cour située derrière l’actuel Office Notarial, ensuite, Pierre Galerne, originaire du Vert Bois, qui a remplacé Jean-Pierre Huet après la seconde guerre mondiale.
A noter qu'on a vu également Alphonse Saint-Ouen, le père de Jacky, qui a repris la clientèle de Constant Bigot et exerçait avec son propre alambic tiré par un cheval (photos ci-dessus). Jacky a succédé à son père en février 1977.
A la fin de carrière des bouilleurs mordelais, il a été amené à parcourir plusieurs communes ce qui lui permettait aussi de rentabiliser son activité. En effet, il faut signaler que le nombre de pommiers a constamment diminué à Mordelles et dans les alentours, ce qui a lentement contribué à diminuer le nombre de bouilleurs de cru.

Pommiers autour de Mordelles dans les années 60 Alambic Constant Bigot


Cet article a été réalisé grâce à Armel Le Héno, notre guide en 2012, qui a parcouru avec nous la campagne mordelaise. Armel Le Héno est malheureusement décédé le 19 octobre 2016 alors qu'il n'avait que 73 ans.

Source des photos et des textes

Archives A.M. Nédellec collection privée, Alison Clarke (conservatrice à l'"écomusée du Pays de Rennes), R. Birot (photos couleur).

Notes et références

  1. récoltants autorisés à distiller leurs fruits et à produire leur eau-de-vie.
  2. il en est de même actuellement.
  3. en référence à l’ancienne scierie Persais.
  4. impôts existant avant la création de la TVA.