Maisons en pierre et en terre
Chaux naturelle ou chaux artificielle : chacune avait ses qualités mais la chaux naturelle permet de construire des murs sains car, lorsqu'elle est humide sur une épaisseur de 1 ou 2 cm, l'eau ruisselle dessus sans pénétrer. De plus, elle durcit particulièrement bien à l'air.
Pour faire le mortier, il faut du sable. En général, il est extrait l'hiver quand les ouvriers ne peuvent pas travailler à la construction.
Une partie provient des carrières de l'Hermitage (carrières Boulanger).
Ossature des maisons
Les murs ont une épaisseur d'au moins 50 cm et les pierres, qui les composent, se chevauchent.
Les charpentiers ne réalisent pas d'ossature en béton armé à l'époque mais utilisent des solives c'est-à-dire des poutres en bois de 4 à 5 m.
Selon Michel David, les maisons en pierre bâties par son père ont une caractéristique. En effet, Jean David s'appuie à l'époque sur les conseils d'un charpentier de Bréal qui fait office de maître d’œuvre. Ce dernier a des compétences pour faire des roues de brouettes ou de charrettes avec un art remarquable mais il n'est pas architecte ! C'est ainsi que dans plusieurs maisons, notamment celle où Jean David vit, la porte située à l'arrière de la maison bute systématiquement dans l'escalier quand on veut l'ouvrir. Si l'on regarde donc ces portes d'un peu plus près, on constate qu'elles ont toutes été coupées en biais pour corriger ce petit défaut de conception.
Les maisons en terre
Les constructions en terre crue (ou bauge) ont souvent à leur base un mur en pierre. Il atteint approximativement 80 cm ce qui correspond à la hauteur à laquelle, par capillarité, l'eau monte dans les constructions.
En ce qui concerne les étables, cette partie est en général plus élevée pour éviter que les animaux attachés au mur ne creusent la terre avec leurs cornes.
Composition de la bauge
La bauge utilisée couramment à Mordelles est un mélange de paille et de terre prise sous la couche végétale. La terre ainsi prélevée est trempée dans l'eau, les mottes brisées et les cailloux extraits.
Travail de la bauge
Lorsque celle-ci a la consistance voulue, les ouvriers commencent par épandre sur le sol une petite couche de paille pour éviter que la terre ne colle au sol. Ils ont choisi de la paille de blé plutôt que celle d'une autre céréale car elle s'écrase moins et favorise l'évacuation de l'eau. Elle a été coupée à la hache, en morceaux de 30 à 40 cm, de telle sorte qu'elle est beaucoup plus facile à travailler.
Des petits tas de terre très proches les uns des autres sont déposés sur cette première couche de paille, puis on leur ajoute une seconde épaisseur de paille. Les ouvriers montent alors sur les tas pour les piétiner jusqu'à ce que la paille se mélange bien à la terre.
Le mélange obtenu est ensuite soulevé, morceau par morceau, à la fourche, pour être passé à l'ouvrier qui est sur le mur et qui doit réaliser un ensemble compact et homogène.
Les murs sont finis à la "paroire" (longue bêche plate) pour leur donner une épaisseur moyenne de 60 cm. Environ 2 heures après cette opération, l'eau "pisse" selon l'expression de Michel, preuve de la bonne qualité de la paille.
Source photos : http://www.tiez-breiz.bzh
En bas des toits des maisons en terre, des gouttières sont visibles. Elles ont un rôle important : sans elles, l'eau fouettée par le vent attaquerait la terre.
Finition intérieure à la chaux
Une fois terminées, ces maisons en bauge offrent une excellente isolation thermique.
L'intérieur est blanchi à la chaux. On renouvelle en général cette opération lors des grandes occasions (mariages, communions...) ou encore à fête de la Saint-Michel.
Le 29 septembre est en effet la date traditionnelle d'expiration des baux ruraux : les nouveaux fermiers emménagent, les pièces sont alors vidées des meubles des précédents locataires et on procède à un ménage complet.
Michel David déclare : "à la Saint-Michel, il fallait cavaler partout pour blanchir un maximum de maisons".
Source photo : http://www.tiez-breiz.bzh
Certaines dates créent une véritable effervescence sur la place du village. Les habitants s'y rassemblent à la Saint-Michel car on embauche pour les travaux d'hiver et à la Saint-Jean car on embauche pour les travaux d'été (foins, moissons...). C'est à ces moments-là que les Mordelais peuvent trouver aisément du travail.
Dernières constructions en terre
Marcel Costo pense avoir vu construire les dernières maisons en terre à Mordelles en 1938-1939 : une au Val et l'autre, 4 rue de Rennes, appartenant à M. Alexandre Julien. Cette dernière a été réalisée par Jules Hubert, artisan maçon, aidé par le propriétaire, lui-même ouvrier maçon. Depuis, un crépis recouvre les murs.
Michel David, de son côté, se souvient que la maison de Florent Barbier, charron, route de Chavagne, a été construite en bauge par son père en 1939-1940.
Ensuite, seulement quelques chantiers ont été réalisés en terre après la guerre : le mur de clôture du "Hayement de la cour" aujourd'hui démoli (sortie Ouest de Mordelles) et des travaux à la ferme de la Noê-Diolée chez Jean Plessix ; c'étaient des réparations suite à des dommages de guerre.
Le mur de l'étable de la ferme Pierre Priou des Pommeraies fut également refait à la même époque suite à son effondrement.
Michel David a participé à ces chantiers de réfection aux environs de 1945-1946.
Une ferme en pisé de Lyon
Il s'agit de la ferme de La Haichois, exemple probablement unique à Mordelles d'une construction en pisé lyonnais.
Cette particularité dans notre décor mordelais revient à Charles de La Haichois et à son épouse Eugénie de Blignières, les grands-parents de Robert de Toulouse-Lautrec.
Lorsque Charles de La Haichois hérite de la propriété de La Haichois, le Vieux La Haichois, les bâtiments sont en mauvais état. Il se montre alors très attaché à leur reconstruction mais décède le 15 mars 1861 alors que les travaux viennent tout juste d'être lancés. C'est son épouse, Eugénie, qui poursuit seule ce qui a été amorcé.
Technique de construction
Le pisé de Lyon a alors une réputation mondiale et constitue la technique de référence présente à travers toute l'Europe, les Etats Unis et même l'Australie.
La terre est en effet tassée entre 2 banches de bois verticales (coffrage) reliées entre elles par des clés d'écartement correspondant à l'épaisseur du mur[2].
Les ouvriers ont l'habitude de travailler au printemps et à l'automne lorsque la terre contient naturellement une bonne quantité d'eau pour être damée.
En juillet 1861 les travaux ne progressent guère, les obstacles s'accumulent et Eugénie de La Haichois se désole : "je fais venir 2 ouvriers lyonnais qui me coûteront très cher et si le temps d'hiver continue, ils ne pourront rien faire...".
Pour le coffrage, il faut du bois or, comble de malchance, le bois de la propriété a été pillé.
De surplus, les fermiers, qui constituent normalement la main d’œuvre nécessaire aux maçons pour réaliser la construction, sont pris par les moissons.
Grange
Ci-après une vue de la grange en l'état en juillet 2014.
Là où l'enduit se détache, on voit apparaître plus nettement le pisé.
Cette grange permet alors le stockage du foin et du gain. Elle abrite également une presse à cidre, la température intérieure étant idéale pour la conservation du cidre.
Communs
A la même époque entre 1861 et 1863, Eugénie de La Haichois fait réparer entièrement la chapelle située sur le domaine et construire, également en pisé de Lyon, ce qu'elle appelle "les communs".
Elle les conçoit pour être une "habitation de transition" avant l'édification du futur château. Elle s'y installe en 1863 et y décède un an plus tard le 8 juillet 1864.
Les travaux de construction du futur château ou actuel château de La Haichois sont entrepris par la fille d'Eugénie, Emilie de La Haichois, à partir de 1888.
Les communs sont transformés vers les années 1925 par Robert de Toulouse-Lautrec pour y créer les actuelles écuries.
Sources des photos et des textes
M. David, M. Costo, B. de Blignières, R. Birot (photos prises en 2013 et 2014), site http://www.tiez-breiz.bzh