Mordelles et ses moulins à eau
Traversée par deux cours d'eau, le Meu et la Vaunoise, la commune de Mordelles compte autrefois plus de moulins que les autres communes du Canton.
Au XIXe siècle, on en dénombre au moins cinq (moulins de Bois-Girouet, du Pont, de Chouan, d'Artois et de Mordelles).
Le nombre exact peut donc être sujet à controverse d'autant plus que les limites de territoire ne sont pas toujours évidentes surtout lorsqu'elles sont matérialisées par un cours d'eau.
Citons par exemple le moulin de Cramoux qui, pour certains, est à Bréal et pour d'autres, à Mordelles ou encore celui de Tréjouan à Talensac ou à Mordelles suivant les interlocuteurs.
Certains sont rattachés à des châteaux pour lesquels ils sont une source non négligeable de revenus.
Il convient également de préciser qu'autrefois le "moulin" désignait la machine à moudre actionnant des meules et non pas le bâtiment comme de nos jours. Les 2 meules entre lesquelles s'effectue la mouture sont d'un diamètre identique : celle du dessous est fixe et appelée dormante ou encore gisante ou chômante ; celle du dessus tournante, courante ou mouvante. Ainsi, lorsque dans certains écrits, on peut lire "les deux moulins de Mordelles", il faut comprendre qu'il est question d'un seul bâtiment abritant 2 machines à moudre.
Le moulin de Mordelles
Tout d'abord, le plus connu : le moulin de Mordelles. Construit antérieurement à 1541, voire à 1468, [1] sur le Meu [2], il appartient tout d'abord à la châtellenie de Beaumont, puis de 1648 à 1925 au domaine seigneurial d'Artois et de ce fait, à la famille de la Porte de Vézins, plus précisément aux descendants de Jean de la Porte.
En 1858, cette même famille en la personne de la Comtesse de Rochemure[3] demande l'autorisation d'y établir une minoterie ce qui lui est accordé.
Elle est construite en 1859 à côté du bâtiment abritant les deux moulins à seigle et à froment.
Pour la première fois en 1925, la minoterie ne dépend plus du domaine d'Artois ; elle devient définitivement la propriété de la famille Hubert.
Réhaussée au début des années 1950, la minoterie est à plein rendement, cumulant l'énergie hydraulique et la vapeur (présence d'une chaudière à vapeur), le tout actionnant 3 paires de meules.
Elle cesse pourtant son activité en 1971, la consommation de pain ayant baissé et surtout la concurrence des grandes minoteries industrielles se faisant cruellement ressentir.
Le moulin de Mordelles n'est pas fermé pour autant, le négoce d'agrofourniture, la fabrication d'aliments ainsi que l'activité de collecte et séchage de céréales se poursuivant jusqu'en 1975.
A partir de cette date et jusqu'en 2004, les bâtiments sont loués par la famille Hubert à plusieurs entreprises.
Sur la photo ci-dessous prise en 2018, vous distinguez deux bâtiments accolés : à gauche, la minoterie composée d'un étage de soubassement, d'un rez-de-chaussée surélevé et de 3 étages carrés et à droite, le bâtiment le plus ancien ayant abrité les meules des moulins à seigle et à froment.
Michel David, l'un de nos aînés, se souvient : alors que pendant la seconde guerre mondiale, les Allemands occupaient l'école du Frère Emilien[4], les bâtiments situés à gauche, dans l'axe perpendiculaire à la minoterie, étaient utilisés pour accueillir les enfants et leurs instituteurs. Pour qu'en période d'inondations, ils puissent malgré tout accéder au bâtiment, mon père [5], alors maçon, avait apporté des parpaings et des madriers pour recouvrir le sol et faire une sorte de passerelle.
Le moulin de Mordelles sur le Meu
Après être resté longtemps ouvert aux promeneurs, le moulin a hérité d'une seconde vie. En effet, son propriétaire, Jacques Hubert, a entamé de grands travaux de restauration en 2013.
Depuis, le moulin est entièrement rénové. Sous l'appellation "Îlot du Moulin", il abrite une maison d'habitation, des salles de réunion ainsi qu'un logement au 1er étage. Le fils de Jacques Hubert, Nicolas et son épouse Anne-Laure, y organisent des séminaires, réceptions, mariages, cocktails et fêtes de famille.
Ils y proposent également des chambres d'hôtes (3). Un très bel endroit à découvrir.
Le moulin du château d'Artois
Ensuite, le moulin du château d'Artois situé à l'intérieur du domaine et perpendiculairement au tracé du Meu. Il date du 17e siècle.
En fait, à l'origine, il n'y a pas un mais deux moulins. Tous deux étaient proches, à quelques mètres d'intervalle, l'autre moulin étant installé sur la rive gauche du biais.
Aujourd'hui, il ne reste plus que celui que vous pouvez découvrir sur la photo ci-dessous. Construit en moellons de schiste, il a cessé de fonctionner courant des années 50. Pendant les dernières années de son exploitation, un moteur de tracteur est utilisé pour pallier les défaillances de la roue qui actionne les meules. Cette dernière (verticale) est toujours en place, ainsi que vous pouvez le voir, mais elle est très abîmée.
Ce moulin abrite depuis 100 ans un lavoir.
La toiture nécessite d'être refaite pour sauver le bâtiment [6].
Le moulin du château d'Artois sur le Meu
Le moulin de Chouan
Puis, le moulin de Chouan sur la rivière la Vaunoise [7]. Ce moulin, propriété privée inscrite au Patrimoine, date de la seconde moitié du XVIIIe siècle. Il est alors utilisé par des membres de la famille de Farcy, propriétaires et habitants du château de La Villedubois. Il tire son nom de la famille[8] qui était propriétaire du domaine de la Villedubois au XIVe siècle (la famille de Farcy en ayant pris possession au XVIIe siècle, en 1647).
Aujourd'hui en 2020, il est la propriété d'autres membres de la famille de Farcy. Il est en mauvais état, totalement envahi par la végétation et ne fonctionne plus depuis longtemps aux dires des habitants proches.
Une autre bâtisse de taille similaire lui fait face de l'autre côté de la route, c'était une petite ferme La Prie, occupée par la famille Nizan. Son état est également fortement dégradé.
[9]Destiné à moudre la farine, le moulin de Chouan est installé à quelques centaines de mètres en aval du moulin du Pont. Le cadastre napoléonien de 1829 indique la présence d'un large bassin de retenue qui permettait également d'alimenter en eau les équipements hydrauliques du château de La Villedubois (douves, viviers, étangs) situé 500 mètres au sud-est.
Le remploi de pierre de taille moulurée en calcaire pour les jambages de la porte d'entrée témoigne d'une implantation potentiellement plus ancienne d'un moulin sur ce site.
De plan rectangulaire, le bâtiment accueillant le moulin est implanté perpendiculairement au tracé de la rivière La Vaunoise. Il se compose d'un rez-de-chaussée et d'un étage de comble à surcroît couvert d'un toit à croupes. L'étage de comble à usage de grenier est accessible par une gerbière installée sur la façade principale aspectée au sud. Les murs sont maçonnés en terre crue selon la technique de la bauge sur un solin en moellon de schiste d'une hauteur variable. Les encadrements des ouvertures sont en bois avec des linteaux en forme d'arc segmentaire, hormis pour la porte d'entrée de la façade sud qui possèdent des jambages en pierre de taille de calcaire (possible remploi).
Le moulin de Chouan sur la Vaunoise
Le moulin du Pont
Egalement sur la Vaunoise, en limite de Cintré, le moulin du Pont appelé naguère le moulin Jullien. Dans les années 1960, il est désaffecté et fait partie d'une ferme exploitée par la famille Delaunay.
[10]La construction du moulin du Pont remonte vraisemblablement à la première moitié du XVIIe siècle. Un cadran solaire présent sur le site porte l'inscription "Jullien Mesnil" ainsi que la date de 1632.
Ne figurant pas sur le cadastre de 1829, un nouveau corps de logis et un fournil ont été construits à proximité du moulin au cours de la seconde moitié du XIXe siècle.
Depuis le site du manoir du Plessis situé en amont, le cours d'eau est dévié le long d'un bief afin d'alimenter la roue hydraulique du moulin. Le moulin est de plan rectangulaire composé d'un rez-de-chaussée et d'un étage de comble à surcroît destiné aux stockage, accessible par deux gerbières. Le bâtiment est élevé en moellon de schiste et couvert d'ardoises.
Au nord-ouest du moulin, une ferme de type longère est construite en terre crue selon la technique de la bauge, ainsi qu'un fournil.
Moulin du pont sur la Vaunoise
Le moulin de Cramoux
Enfin, le moulin de Cramoux, sur le Meu. Ce moulin est bel et bien situé sur la commune de Bréal mais il offre une vue si spectaculaire depuis la rive opposée que nous l'avons inséré dans cet article.
Il se trouve à l'extrême limite de Mordelles ; le dernier meunier qui l'a exploité, Monsieur Panaget, est tellement connu à Mordelles que l'on peut comprendre que certains Mordelais se soient approprié le moulin.
L'extérieur est en très bon état ainsi que sa roue à aubes verticale. Il date du XIXe siècle et a remplacé un moulin plus ancien.
[11]Le moulin à eau de Cramoux est mentionné sur le cadastre de 1824. Le moulin actuel avec sa roue à aubes date du milieu du XIXe siècle ainsi que la ferme voisine.
L'élévation de la façade soignée avec des baies cintrées en brique, l'environnement de qualité bien préservé font de cet ensemble un site remarquable dans la commune. La propriété est actuellement divisée en deux lots, la ferme et le moulin à eau.
Le moulin de Cramoux sur le Meu
Situation d'ensemble (carte)
- Les châteaux ont un marqueur bleu
- Les moulins ont un marqueur rouge
- L'église (repère de base) a un marqueur violet
NB : le nom du bâtiment apparait en passant la souris sur le marqueur
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Source des photos et des textes
Photos R. Birot (2012). Livre "Bulletin et mémoires... Société archéologique du département d'Ille-et-Vilaine, tome XXIII imprimé en 1894". Site : inventaire-patrimoine.region-bretagne.fr
Notes et références
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